Actualités de la Communauté Pour nourrir demain

Interview de Jean-Paul Picquendar de Candia (Sodiaal)

Lors de notre immersion chez Candia, les 29 et 30 juin dernier, nous avons eu le plaisir de rencontrer et d’échanger avec Jean-Paul Picquendar, véritable puit d’informations sur le lait et la coopérative Sodiaal. Lors d’un échange passionné et particulièrement riche, Il nous a livré les dessous de son parcours, son métier, et sa vision des enjeux de la filière laitière aujourd’hui !

« Les enjeux majeurs de la filière laitière aujourd’hui sont selon moi, le renouvellement des générations, la forte concurrence avec les alternatives végétales, et la problématique carbone» Jean-Paul Picquendar, Candia/Sodiaal.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre métier ?

Je suis rentré dans la vie professionnelle en 1986, après l’armée. J’ai effectué une formation d’ingénieur agricole puis j’ai été pendant trois ans ingénieur en production végétale. Aux antipodes de mon travail et de mes convictions aujourd’hui, je faisais à l’époque de la vente de produits phytosanitaires dans le nord de la France.

Au bout de trois ans, j’ai voulu changer de métier et je suis arrivé en filière laitière. J’ai commencé par un poste de responsable d’animations coopératives, avec une équipe de conseil en élevage laitier.

À 29 ans j’ai été nommé à la direction pour prendre la charge de l’union régionale. J’ai occupé ce poste pendant 10 ans.

J’ai ensuite, une nouvelle fois changé de travail, pour prendre la direction d’une usine laitière. J’y suis resté deux ans.

Puis je suis parti en région Rhône-Alpes, berceau de la marque Candia, sur un poste de direction régionale de la coopérative.

Depuis quatre ans je travaille pour la direction des laits segmentés et de la vie coopérative. Je m’occupais du bio et des laits de montagne historiquement auquel sont venus s’ajouter les autres catégories ainsi que les nouvelles demandes (comme le lait de pâturage par exemple).

Mes missions sont très transversales puisque nous sommes en contact avec le commerce, les clients, les sièges sociaux… pour leur parler de l’amont (du bien-être animal par exemple).

Nous gérons également la formation de nos agriculteurs et on leur apporte du soutien.

Dans le cadre de mes missions, nous avons aussi créé les fermes « tous à la coop ». C’est un réseau de 70 fermes qui peuvent accueillir du public.

Pouvez-vous nous décrire la démarche du « Bio pré de vous » ?

La bio chez Sodiaal a démarré en 1998. On a eu à l’époque 20 pionniers sur quelques communes dans le Pilat !

Chez Candia, on récupère le lait bio produit par ces agriculteurs et on essaye de le modifier le moins possible (c’est-à-dire avec un très petit traitement thermique).

Le « Bio pré de chez vous » compte aujourd’hui une « communauté » de 790 éleveurs. Ce projet, nous l’avons construit de zéro !

En 2020 il nous a paru important de « se poser » et de se tourner vers notre identité. On voulait chercher à progresser et à devenir un collectif homogène. On a retenu plusieurs domaines à traiter, sous forme d’engagements pour aller vers le progrès (une sorte de cahier des charges – au-delà du cahier des charges bio) :

Dans ce « cahier des charges », on compte notamment :

Une partie sur l’alimentation : il a été réaffirmé que la base de l’alimentation (pour les vaches bio) c’était la pâture. On s’est donc positionné sur un minimum de 180 jours de pâturage pour les vaches chez tous nos éleveurs.

Une partie sur « la route du lait » : nous avons demandé, que tous nos éleveurs atteignent un niveau deux et trois, qui est supérieur à la charte des bonnes pratiques d’élevage.

Une partie sur le bien-être animal : pour les éleveurs bio, tous nos techniciens ont été formés en 2020. Nos éleveurs bio se sont engagés à suivre des formations sur le bien-être animal, pour montrer leur engagement sur le sujet.

Une partie sur le carbone : tous les éleveurs se sont engagés (à l’horizon 2023) à utiliser un outil qui permet de calculer leurs émissions brutes et nettes ramenées au litre de lait. Les éleveurs se sont aussi engagés à investir dans des équipements qui consomment très peu d’énergie.

Une partie sur la taille des exploitations : on s’est aperçu qu’on avait une moyenne de vache par exploitation qui était plus faible que tous les autres intervenants du marché. C’est aussi ce qui nous permet de nous différencier de nos concurrents. Nous avons choisi de préserver cette différence. On a donc imposé à tous nos producteurs de ne pas dépasser le nombre de 240 vaches.

Nous voulons que notre lait soit de très bonne qualité, c’est pourquoi des analyses sont effectuées régulièrement pour s’assurer qu’il n’y a par exemple aucun perturbateur endocrinien dans nos cuves et dans nos laits. On veut une sûreté pour la santé du consommateur et de l’éleveur.

Nous voulons également faire aussi en sorte qu’il y ait un éleveur à moins de 175 km de n’importe quel consommateur Français.

En 2023, on fera le point sur ses engagements et on pourra naturellement les faire évoluer/progresser pour aller encore plus loin !

Pouvez-vous nous expliquer les différentes segmentations de lait au sein de la coopérative ?

Il y a 48 segmentations au sein de la coopérative (types de lait), dont 22 qui concernent des AOP.

Les segmentations peuvent varier en fonction de l’alimentation, de l’élevage ou de sa géographie.

Pour vous, quels sont les enjeux de la filière laitière aujourd’hui ?

Les enjeux majeurs aujourd’hui sont le renouvellement des générations, la forte concurrence avec les alternatives végétales, et la problématique carbone.

Dans les années à venir il va y avoir de moins en moins de production de lait. Il sera donc impératif d’intéresser et d’attirer des jeunes recrues pour « concurrencer » le végétale. Pour ce faire, il va falloir redorer l’image des métiers agricoles.

Toutefois, cette concurrence va aussi permettre de revenir à une exclusivité de produits laitiers de qualités qui ont du sens. Il faudra affirmer une différence avec le végétale. Mettre en avant le calcium présent dans le lait de vache contrairement aux laits végétaux qui n’en contiennent pas.

Il faut aussi qu’on arrive à mieux communiquer avec les consommateurs sur toutes les belles choses qui sont faites par nos éleveurs et par nos outils pour préserver un produit vivant, exceptionnel et bon pour la santé.

Il va aussi falloir « éduquer » les consommateurs et surtout les jeunes consommateurs à mieux manger, leur apprendre ce qui est bon pour eux et pour la planète !

Plus d’informations sur www.agir-pour-nourrir-demain.fr

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