En marketing, on dit souvent qu’un produit « fait des vagues » lorsqu’il parvient à capter l’attention, à créer une tendance et à devenir incontournable.
Le poisson incarne parfaitement cette idée : il évoque la tradition de la criée, la fraîcheur, la santé, mais aussi l’élégance de la haute gastronomie.
Aujourd’hui, c’est un aliment santé, une matière première pour l’industrie agroalimentaire et un symbole de luxe culinaire mis en avant par les plus grands chefs.
Mais derrière son image noble, il reste aussi un produit fragile, souvent coûteux, et soumis à des enjeux de durabilité et de sécurité sanitaire.
Alors, quels sont ses atouts nutritionnels ? Comment l’industrie de la pêche et de l’aquaculture répond-elle aux attentes modernes ? Et pourquoi le poisson est-il aujourd’hui mis en scène sur TikTok et Instagram comme un produit tendance et haut de gamme ?
Le poisson, un allié santé
Le Programme National Nutrition Santé (PNNS) recommande de consommer du poisson deux fois par semaine, dont une portion de poisson gras comme le saumon, la sardine, le maquereau ou le hareng, en raison de leur richesse en oméga 3.
Ce type de lipides, évoqué dans le précédent article, est dit essentiel car notre organisme ne sait pas les fabriquer. Ils doivent donc être apportés par l’alimentation.
Ils ont de nombreux effets bénéfiques sur la santé : ils aident à réduire le taux de triglycérides dans le sang, améliorent la fluidité sanguine, participent au développement du cerveau et de la vision tout en renforçant nos défenses immunitaires.
L’INSERM rappelle que ces oméga 3 jouent un rôle clé dans la prévention du surpoids et des maladies associées à l’inflammation chronique, telles que les maladies cardiovasculaires ou métaboliques (comme le diabète de type 2).
Le poisson est aussi une excellente source de protéines. Avec 18 à 20 g de protéines pour 100 g, une portion de poisson équivaut à un morceau de viande ou à deux œufs.
Le poisson est également riche en oligoéléments, ces minéraux présents en petites quantités mais essentiels à notre santé. On y trouve notamment :
- L’iode, indispensable au bon fonctionnement de la thyroïde, la régulation de la température corporelle et du métabolisme.
- Du fer (ici, d’origine animal) qui est nécessaire pour le transport et l’utilisation de l’oxygène par les tissus.
- Du zinc qui joue un rôle dans le renouvellement cellulaire par le biais des enzymes. Il est notamment impliqué dans l’immunité et la cicatrisation.
- Du sélénium, un antioxydant qui aide à protéger nos cellules contre le stress oxydatif. Il contribue également à l’immunité
Un autre atout du poisson est son apport en vitamine D. Cette vitamine soluble dans les graisses est indispensable à la santé osseuse et au système immunitaire. Les besoins quotidiens pour un adulte sont de 15 microgrammes par jour selon l’ANSES.
Par ailleurs, une synthèse scientifique publiée en 2024 par MDPI, souligne que la vitamine D régule naturellement notre immunité.
Elle aide notre organisme à mieux contrôler l’inflammation : d’un côté, elle limite la production de molécules qui déclenchent les réactions inflammatoires, et de l’autre, elle favorise celles qui les apaisent.
C’est ce qui explique son rôle protecteur vis-à-vis de nombreuses maladies chroniques comme le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, certains cancers …
En France, la majorité de la population est en déficit, notamment l’hiver faute d’exposition solaire suffisante. Consommer un poisson gras toutes les semaines couvre près de deux tiers des besoins quotidiens.
Toutefois, il est essentiel de varier les espèces et les zones de pêche pour limiter l’exposition aux polluants (métaux lourds, perturbateurs endocriniens, antibiotiques…), comme le rappellent l’ANSES.
Plus on diversifie nos poissons et ses lieux, plus on diversifie les polluants. La consommation de petits poissons (ex : sardines, maquereaux …), situés plus bas dans la chaîne alimentaire, est à privilégier car ils sont moins contaminés que les grands prédateurs.
L’industrie de la pêche
La pêche et l’aquaculture représentent aujourd’hui un secteur stratégique mondial.
Selon plusieurs rapports de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) datant de 2024, la production mondiale issue de la pêche et de l’aquaculture a atteint un record de 223 millions de tonnes en 2022, dont 89 % utilisés pour la consommation humaine, ce qui correspond à environ 20,7 kg par habitant et par an.
Pour la première fois, l’aquaculture a dépassé la pêche sauvage, avec 130,9 millions de tonnes, soit 51 % de la production totale. Cette production est concentrée en Asie, qui représente plus de 90 % du total mondial.
L’industrie agroalimentaire s’est adaptée aux nouvelles attentes des consommateurs :
- D’abord sur le plan de la durabilité, avec le développement de l’aquaculture écoresponsable pour répondre à la demande croissante tout en évitant la surpêche. Les labels comme MSC (pêche durable), Label Rouge ou encore l’agriculture biologique deviennent des repères pour les consommateurs.
- Ensuite sur le plan de la sécurité alimentaire, avec des contrôles renforcés par la Direction Départementale de la Protection des Populations et l’IFREMER, la congélation obligatoire pour éliminer les parasites, et des normes strictes d’étiquetage (zone de pêche, méthode de capture, mention « décongelé » si applicable).
- Enfin, sur le plan de l’innovation, avec des procédés de conservation (appertisation, fumage, surgélation…) qui prolongent la durée de vie tout en essayant de préserver les qualités organoleptiques.
Cette industrialisation s’accompagne aussi de défis : pollution par les filets, recours aux antibiotiques dans certains élevages, risques de contaminants (mercure, plomb, cadmium). L’équilibre entre un prix accessible et une qualité nutritionnelle reste délicat.
Comme nous l’avions observé avec l’huile d’olive (cf. article précédent : « L’huile d’olive, de l’industrie aux grands crus »), l’industrie de la pêche modernise aussi ses équipements pour gagner en rapidité et traiter plus de volumes, tout en essayant de préserver un savoir-faire et la qualité du produit.
Star des réseaux sociaux et du luxe culinaire
Dans l’univers numérique, TikTok et Instagram sont devenus des supports visuels où le poisson est au centre des publications. Celles-ci agissent comme des vitrines des services proposés et invitent chacun à une immersion sensorielle.
Sur TikTok, le hashtag #seafood cumule environ 35,9 milliards de vues pour près de 1,3 million de publications (données mises à jour en mai 2024).
Les formats courts mettent en scène la découpe d’un saumon en sashimi ou la transformation spectaculaire d’un thon rouge à la criée : les gestes deviennent de véritables performances visuelles.
Le créateur américain @thefishmonger, suivi par 33 000 abonnés et cumulant plusieurs millions de vues, illustre parfaitement cette tendance. Ses vidéos montrent une découpe experte de différents poissons cumulant plusieurs millions de vues.
Ce genre de contenu mise à la fois sur l’effet « wow » et sur l’apprentissage de gestes techniques qui donnent envie de savoir préparer son poisson.
Sur Instagram, le poisson devient aussi un aliment esthétique avec un storytelling. Les comptes de grands chefs, comme @Christopher Coutanceau, triplement étoilé à La Rochelle, renforcent le côté luxueux de ces produits.
Le chef ne se contente pas que de cuisiner : il se définit lui-même comme un « cuisinier-pêcheur », réalisant une cuisine de la mer de saison. Chaque matin, il cuisine les produits disponibles à la criée de La Rochelle.
Fervent de pêche lui-même, Christopher Coutanceau est connu pour son engagement envers la protection des écosystèmes marins et pour prôner une pêche durable. Cela lui permet dans sa cuisine de mettre en avant, selon la saisonnalité, des espèces de poissons moins connues du grand public.
En 2020, il a d’ailleurs été récompensé par Le Guide Michelin d’une étoile verte, symbole d’une gastronomie durable. C’était la première année que cette récompense était attribuée.
Ces contenus via les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la valorisation du poisson avec de la transparence, la mise en scène, un certain esthétisme … Ils ont un impact sur les comportements d’achat : selon un sondage IFOP réalisé en mai 2024, 85% des répondants considèrent les produits de la mer essentiels pour une alimentation saine et équilibrée mais seuls 57 % déclarent en consommer chaque semaine.
Une raison possible : 71 % des Français estiment que le prix élevé des produits aquatiques constitue un frein à leur consommation.
Une enquête complémentaire menée par Toluna en avril 2025 explique que les espèces les plus consommées restent le saumon, le thon et le cabillaud, donc des grands poissons.
Enfin, un rapport réalisé pour FranceAgriMer en juillet 2023 souligne les nouvelles tendances de consommation des produits aquatiques en France métropolitaine, dans un contexte post-Covid.
La fraîcheur reste le premier critère d’achat (perçue comme gage de qualité et de santé), suivie de près par le prix (71% des répondants pour l’IFOP). Les produits frais dominent, mais les formats surgelés et en conserve poursuivent leur progression.
Ainsi, le poisson fait des vagues à la fois dans nos assiettes, dans l’industrie agroalimentaire et dans la gastronomie de prestige. Source de protéines, de lipides (notamment d’oméga 3) et d’oligo-éléments essentiels, il illustre l’importance de la variété alimentaire promue par le PNNS et l’ANSES.
Face aux enjeux environnementaux, l’industrie et l’aquaculture s’adaptent en renforçant les labels de durabilité et en misant sur l’innovation.
Aujourd’hui, la différence se joue aussi dans la manière de raconter le produit. Les réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok contribuent à façonner l’image du poisson.
Recettes express, vidéos de chefs ou dégustations immersives construisent un discours marketing qui séduit à la fois une clientèle connectée et en quête de transparence.
Diététicienne-nutritionniste diplômée et actuellement en 3e année d’école de commerce spécialisée en Food Business, Enora Bachelot aime faire le lien entre les données scientifiques issues d’organismes de référence et les innovations du secteur agroalimentaire. Curieuse de nature, elle cherche à comprendre ce qui se cache derrière les évolutions des comportements alimentaires. C’est pourquoi elle décrypte ici les grandes tendances pour mieux nourrir le monde de demain. Voir son profil Linkedin.
Sources : ANSES, INSERM, Manger Bouger, Multidisciplinary Digital Publishing Institute, TikTok Hashtags, Le Monde, Site de Christopher Coutenceau, Guide Michelin, IFOP, FranceAgriMer, Toluna