La tribune d'Enora Bachelot

5 fruits et légumes par jour : le fruit d’une idée reçue ?

Depuis des années, ce message est devenu omniprésent : à la télé, dans les écoles, sur les emballages ou dans les campagnes de santé publique.

« Mangez 5 fruits et légumes par jour » est une injonction presque devenue réflexe : qui n’a jamais regardé fièrement ses assiettes de la journée en se disant :  « J’en ai mangé 5, c’est bon ! » ?

Mais d’où vient réellement ce message que l’on connaît tous ? Est-il scientifiquement fondé ? Et surtout, est-ce vraiment ce chiffre qu’il faut viser ?

Entre santé publique, alimentation quotidienne et réalité industrielle, démêlons le vrai du faux.

D’où vient ce slogan ?

Le slogan « 5 fruits et légumes par jour » a été popularisé en France dans le cadre du premier Programme National Nutrition Santé (PNNS), lancé en 2001 par le Ministère de la Santé.

Il s’agit d’un programme qui définit la politique nutritionnelle nationale et développe les orientations de celle-ci.

L’objectif était simple : prévenir les maladies liées à l’alimentation (diabète, maladies cardiovasculaires, certains cancers, surpoids, obésité…) en améliorant nos repas (souvent trop riches en graisses, en sucres, en aliments transformés et pauvres en fibres).

Cette idée vient d’abord des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), formulées dans un rapport de 2003 suggérant de consommer entre 400 et 500 g de fruits et légumes par jour pour réduire les risques métaboliques et cardiovasculaires.

Le chiffre a été retenu pour des raisons pédagogiques et pratiques : simple à retenir, facile à diffuser.

Il ne s’agit donc pas de « 5 fruits et légumes » mais bien de 5 portions de fruits et légumes par jour.

Que signifie concrètement « 5 par jour » en termes de quantité ?

Aujourd’hui, le PNNS 4 recommande toujours une consommation de 5 portions de fruits et légumes par jour.

  • Une portion de légumes correspond à 80 à 100 g, soit environ 2 cuillères à soupe pleines ou la taille d’un poing (en volume) dans l’assiette. Cela peut être : 1 carotte, ¼ de chou, 1 blanc de poireau …
  • Une portion de fruits est en général plus volumineuse (env. 150 g) : 1 pomme, 2 prunes, 2 à 3 clémentines, une orange…

Contrairement à une idée reçue, il ne s’agit pas de 5 fruits + 5 légumes, mais bien 5 portions au total, dont une majorité idéalement de légumes (ex : 3 légumes + 2 fruits).

Pourquoi est-ce important : quels sont les bienfaits des fruits et légumes ?

Les intérêts nutritionnels des végétaux sont nombreux :

  • Ils sont riches en eau et participent donc à la satisfaction de nos besoins hydriques (cf. article précédent « Canicule en vue ? Eau Secours »).
  • Ils sont riches en sucres naturellement présents qui nous apportent de l’énergie à court terme.
  • Ils sont riches en vitamines C lorsqu’ils sont consommés crus : c’est le seul groupe alimentaire à nous en apporter.
  • Riches en antioxydants, ils luttent contre le stress oxydatif, limitent le vieillissement cellulaire, renforcent l’immunité et protègent de cancers, de maladies cardio-vasculaires et de maladies neurodégénératives.

Focus sur les fibres : elles sont un autre atout majeur des végétaux :

  • Elles favorisent la satiété, ce qui aide à réguler l’appétit et à éviter les grignotages.
  • Elles régulent le transit intestinal.
  • Certaines fibres, dites solubles, contribuent à réduire le taux de mauvais cholestérol (LDL-cholestérol), les triglycérides et la glycémie (taux de sucre dans le sang).
  • Elles nourrissent la flore intestinale (le microbiote), ce qui a des effets bénéfiques sur la digestion, l’immunité (et possiblement sur notre santé mentale !).
  • Elles aident à prévenir certains cancers (colorectal, sein), les maladies cardiovasculaires, l’obésité et le surpoids et le diabète de type II.

Il est préférable de consommer les fruits et légumes entiers. Plus ils sont transformés (jus, compotes, purées…), plus les fibres sont altérées, voire détruites.

Quels sont nos besoins journaliers en fibres ?

L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation (ANSES) recommande une consommation moyenne de 30g de fibres par jour pour un adulte.

Le PNNS 4 montre que 89,7% des adultes ont une consommation de fibres inférieure à 25g/jour. En cause, une consommation trop faible de :

  • Produits céréaliers (ex : riz, pâtes, semoule) notamment complets : 60% des adultes n’en consomment pas.
  • Légumes secs (haricots rouges / blancs, pois chiches …) : plus de 85% des adultes ne suivent pas les recommandations du PNNS (consommation bi-hebdomadaire).
  • Fruits et légumes : 72% des adultes ne suivent pas les recommandations du PNNS (5 portions / jour).

Solutions pour intégrer des légumes à tous les repas

Si les végétaux peuvent être parfois longs à découper, l’industrie agroalimentaire nous propose des solutions rapides pour atteindre les 5 portions de fruits et légumes recommandées :

  • Avoir des légumes pré-découpés et non assaisonnés surgelés : ils sont souvent récoltés à maturité puis surgelés très rapidement, ce qui permet de préserver une grande partie des vitamines, des minéraux et la texture de l’aliment. Contrairement à une idée reçue, ils sont souvent plus riches en nutriments que des légumes frais restés plusieurs jours en rayon.
  • Avoir des boîtes de conserves de légumes : elles peuvent se conserver longtemps dans votre placard et sont économiques. Les vitamines seront détruites mais les fibres restent intactes malgré la stérilisation. Elles restent une bonne option pour dépanner.
  • Avoir des compotes qui remplaceront la portion de fruits de votre repas. Toutefois, la texture lisse détruit en grande partie les fibres. Résultat : elles sont moins rassasiantes. Elles ne remplacent donc pas totalement un fruit entier, mais peuvent dépanner ponctuellement.

Ainsi, « manger 5 fruits et légumes par jour » pourrait être un bon repère de santé publique, à condition d’y ajouter et de définir la notion de « portion » de manière individuelle.

Il vise à orienter les consommateurs vers une alimentation plus végétale, dans une société où les produits ultra-transformés occupent encore trop de place.

L’industrie agroalimentaire peut être un allié, à condition de bien choisir les produits et de comprendre ce que les procédés modifient sur le plan nutritionnel.

Plutôt que de se focaliser sur le chiffre 5, pensons à mettre un peu de végétal dans chaque repas, sous toutes ses formes, en gardant à l’esprit que moins un produit est transformé, plus il est riche d’un point de vue nutritionnel.


Diététicienne-nutritionniste diplômée et actuellement en 3e année d’école de commerce spécialisée en Food Business, Enora Bachelot aime  faire le lien entre les données scientifiques issues d’organismes de référence et les innovations du secteur agroalimentaire. Curieuse de nature, elle cherche à comprendre ce qui se cache derrière les évolutions des comportements alimentaires. C’est pourquoi elle décrypte ici les grandes tendances pour mieux nourrir le monde de demain. Voir son profil Linkedin.


Sources : OMS, MangerBouger, INSERM, ANSES, Santé.gouv, Sanofi

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