Actualité agro-alimentaire

Tests consommateurs : pourquoi, lesquels, leurs limites et quid dans le futur ?


Les tests consommateurs font l’objet d’un budget conséquent dans une grande entreprise, les starts-up en font peu voire pas du tout…

Aujourd’hui, bon nombre de succès d’innovation sont issus de start-up. Faudrait-il en conclure que les tests consommateurs ne serviraient à rien ?!

Pas si simple ! J’ai été confrontée de nombreuses fois à ce sujet au cours de ma carrières au sein de grands groupes et dans mon rôle actuel au sein de Happyfeed.

Je partage ici quelques expériences, convictions personnelles et surtout quelques conseils pratiques.

Pourquoi faire des tests consommateurs ?

Le lancement d’une innovation coûte cher, et l’impact d’un échec peut être d’autant plus retentissant quand il s’agit d’une marque de renommée tant sur le plan financier que sur le plan de la réputation.

L’enjeu du lancement pour une grande entreprise/marque est lié au volume à produire pour assurer une distribution à grande échelle. En cas d’échec, l’impact financier est majeur et la réputation de la marque est engagée.

Un des leviers pour maximiser les chances de succès est de faire des tests consommateurs. Ils permettent notamment de sélectionner les idées à potentiel, d’évaluer l’attractivité d’un concept et enfin de simuler les ventes.
A l’inverse d’une grande entreprise, une start-up doit prouver le succès de son produit sur le marché pour financer le scale-up, généralement via une levée de fond.

Le produit arrive ainsi très vite sur le marché, est amélioré en fonction des retours consommateurs (approche Test & Learn) et la version finale arrive dans un deuxième temps.

Une start-up ne fait pas ou peu de tests consommateurs avant lancement, mais plutôt des petits tests « en condition réelle ». En cas d’échec, au mieux le consommateur aura vite oublié, au pire aucun fond ne sera levé pour le scale-up.

Quels tests consommateurs ?

D’une manière simplifiée, on peut classifier les tests consommateurs en 5 types :

  1. Focus groups, pour récolter diverses informations, mieux connaitre la cible consommateur, ses habitudes, identifier des besoins, etc.
  2. Tests de screening, en amont d’un projet, pour sélectionner et affiner les meilleures idées ou concepts.
  3. Tests de concept pour affiner et valider le(s)meilleurs concepts avant d’investir dans le développement produit. Plusieurs critères peuvent être calculés, comme l’attractivité, la pertinence, la différentiation, la crédibilité ou l’adéquation avec une marque et les premières prévisions de vente sont simulées à ce stade.
  4. Tests sensoriels : pour évaluer par exemple le goût et la texture d’un produit, la préférence consommateur ou le comparer à un produit du marché.
  5. Test en usage/Marché test : il permet en intégrant les éléments du concept et le produit de simuler des parts de marchés, un volume potentiel, une intention et une fréquence d’achat

On parle par ailleurs de tests qualitatifs et quantitatifs.

L’approche qualitative, via des questions plus ou moins ouvertes, permet de décrypter des émotions, des motivations et de déceler les attentes des consommateurs.

L’approche quantitative se fait via un questionnaire standardisé et la notation sur une échelle allant par exemple de 1 à 10. Il peut être fait en monadique (un seul produit), en monadique séquentiel (plusieurs produits) ou en comparatif.

Limites des tests traditionnels et conseils pratiques

Il n’y a pas de bons ou de mauvais tests, par contre les enjeux des tests consommateurs sont différents pour une grande entreprise et pour une start-up.

Tirer le meilleur des deux peut être un pari gagnant : ci-dessous 5 exemples concrets pour illustrer.

Animation de focus group pour la recherche d’insights

Un exemple : les questions du type quoi, où, qui, quand, pourquoi invitent le consommateur à se justifier, et personne n’aime cela, surtout en groupe ! Le risque est de faire fausse route dès le début.

La citation d’Henri Ford au moment de l’invention de l’automobile l’illustre très bien : « si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu des chevaux plus rapides ».

Que faire ?

Créer un dialogue qui permet de dégager spontanément un univers de mots, d’émotions et de réactions sensorielles. Le point clé est de pouvoir traduire ces univers en leviers de valeur produits et de faire des itérations rapides avec les consommateurs. Ceci requiert en plus des qualités d’un modérateur classique une expérience en design (pack et culinaire), la connaissance des produits et de l’intuition.

On retrouve ici quelques principes de l’approche Design Thinking ; Ce sont souvent ce type d’insights qui créeront le « break », ou effet waouh pour le consommateur.

Questionnaires d’animation

Un exemple : les questionnaires et le guide d’animation sont en général préparés à l’avance, ils sont extrêmement détaillés et sont suivis minutieusement pendant les focus groups

Que faire ? Il est préférable d’avoir une trame et de s’adapter en fonction de la dynamique de groupe, voire être capable d’improviser. C’est moins confortable pour l’animateur, mais les insights sont beaucoup plus riches.

Lieux des tests

Un exemple : en général les tests sont faits dans des lieux dédiés. Malgré l’effort fait sur la convivialité du lieu, ce n’est pas l’environnement quotidien du consommateur.

Que faire ? Immersion et observation dans la « vie réelle » restent la meilleure solution. Il vaut mieux faire moins de tests mais davantage de terrain, comme via des boutiques éphémères, des tests de rue ou l’usage à la maison. Cela permet aussi aux équipes d’être davantage confrontées en direct aux consommateurs plutôt que sur le papier, c’est souvent très riche d’enseignements. Le digital est aussi une manière de tester un concept rapidement, voire même avec le produit.

Les tests par « morceaux »

Un exemple : les tests sont souvent multiples, longs et coûteux pour une même innovation : test concept, test produit, avec/sans prix, avec/sans marque, avec/sans story telling, seul, positionnés dans un contexte concurrentiel, etc. Le consommateur fonctionne pourtant avec ses 5 sens et ses décisions sont guidées par son cerveau rationnel (prix, gout, composition, etc) ET son cerveau émotionnel (discours, crédibilité, confiance, loyauté, etc). Avec une approche en tests morcelée, au mieux on répond à un besoin exprimé, au pire c’est un échec, rarement on obtient l’effet Waouh.

Que faire ?

Faire moins de tests mais tester l’expérience globale vécue par le consommateur en intératif. Même en amont quand le produit n’existe pas encore, des produits du marché qui concrétisent les leviers de valeur produits (ceux mentionnés plus haut) existent.

L’identification de produits sous le radar des veilles classiques révèle souvent des pépites.

C’est en testant une expérience globale que l’offre devient congruente, condition pour créer le break.

Critères de décisions

Un exemple : Lors de la préparation des tests consommateurs, j’ai remarqué que les équipes marketing et R&D ne travaillent pas toujours main dans la main, que les méthodologies derrière les tests font l’objet de nombreux débats. En revanche, les objectifs des tests ne sont pas toujours très clairs et on ne sait pas toujours sur quels critères les décisions seront prises.

Que faire ?

Eviter de perdre du temps sur les débats méthodologiques au profit de la clarification des questions auxquelles le test doit répondre et des critères de décisions.

Faire une restitution des résultats en rappelant d’abord les critères de décisions sur lesquels l’équipe s’est préalablement alignée.

Cela évite des interprétations personnelles et des décisions qui pourraient être remises en cause et qui font perdre du temps.

Convictions et propos pour les acteurs de l’innovation

Aucun test n’a pour objet de tester la crédibilité du produit et de ceux qui en sont les acteurs. C’est pourtant une dimension fondamentale au cœur des préoccupations du consommateur d’aujourd’hui. Alors que cela devrait être un pré-requis, on l’oublie parfois et on fait quirielle de tests coûteux, tests qui éventuellement rassurent en interne pour les prises de décisions, mais ne prédisent pas l’adhésion du consommateur.

Pourquoi ne pas partager, débattre et s’aligner sur quelques fondamentaux au sein des équipes avant de lancer un projet d’innovation : Pourquoi existe-t’on en tant qu’entreprise, quelle est notre histoire, d’où viennent nos succès passés, qu’est ce qui nous rend fier, qu’est ce qui nous rend unique, pourquoi les gens veulent-ils travailler chez nous, etc.

Nul besoin du consommateur pour cela, coût négligeable, et ce travail d’équipe dévoile bien souvent quelques pépites qu’on ne voyait plus !

Quel avenir pour les tests consommateur ?

L’écosystème de l’innovation agroalimentaire bouge très vite, notamment avec l’arrivée de la FoodTech et des start-ups, qui sont capables de mettre une innovation sur le marché en quelques mois.

A l’ère du digital, l’innovation se fait en direct avec le consommateur sans faire quasiment de tests avant lancement.

Les grandes entreprises sont en train de transformer profondément leur manière de faire de l’innovation, soit en investissant dans des starts-up, soit en mettant en place des cellules d’innovation, plus ou moins externalisées, et adoptant des méthodes nouvelles qui impliquent le consommateur et l’expérience globale du produit plus en amont.

Reste que le go avant de lancer une innovation continue à passer par des tests de simulation des ventes, compte tenu des enjeux financiers.

Pour limiter les risques, la tendance est de faire un lancement à petite échelle beaucoup plus rapidement (comme une start-up) et de passer à plus grande échelle dans une 2ième étape afin de respecter le planning financier.

Le modèle de la Factory Happyfeed, grâce à l’expertise, l’expérience et l’agilité de l’équipe, permet ainsi de répondre efficacement à ces questions de tests consommateurs.


Christel Magnani
Christel est Ingénieur en Sciences & Technologie Alimentaire et a fait une thèse dans le design alimentaire. Elle a passé 20 ans sur le terrain en France et à l’international à diriger l’innovation produit chez les leaders du secteur agroalimentaire (Nestlé, Unilever, Danone et JDE). Fondatrice d’Agil’Inn en 2016, Christel rejoint l’équipe Happyfeed en 2017 pour développer la Happyfeed Factory
Plus d’informations sur Linkedin et contact : christel@happyfeed.fr

La veille des innovations alimentaires

Inscrivez-vous pour recevoir gratuitement, chaque lundi, les infos sur les tendances et innovations alimentaires en France et à l'international