La société Grain de Sail, basée à Morlaix dans le Finistère, produit du café et du chocolat en sourçant exclusivement des matières premières brutes sélectionnées et importées par leurs soins des Caraïbes et d’Amérique Centrale.
Et Grain de Sail est aussi une aventure maritime !
Ses créateurs ont à cœur de construire un navire à voile pour assurer eux-mêmes leur approvisionnement et après plus de quatre années de travail, l’entreprise fait un pas supplémentaire vers la concrétisation de ce projet en finalisant les plans du bateau qui pourrait effectuer sa première Transatlantique en mars 2019.
C’est en 2010 que Olivier Barreau et François Liron imaginent de créer une activité de production de café et de chocolat dont les matières premières seraient transportées, depuis la zone Caraïbes vers la Bretagne, par un voilier de charge conçu spécialement pour cette activité.
La priorité est d’abord au développement de l’entreprise via la création d’une torréfaction de café en 2013, «Torréfaction de la baie », puis avec l’arrivée, en 2015, de Jacques Barreau pour la création de la chocolaterie.
Aujourd’hui le projet peut se concentrer sur la phase finale : la construction du voilier de charge et son exploitation.
C’est la volonté de maitriser ses approvisionnements à la source qui a naturellement conduit l’entreprise à imaginer son propre moyen de transport maritime afin d’accéder plus directement aux producteurs locaux.
Le respect de l’environnement et le désir d’aventure maritime ont fait le reste !
Grain de Sail a conçu un voilier de charge moderne et spécifiquement adapté pour ses besoins. La société a pris le parti de rester modeste et de construire un premier voilier d’une taille suffisamment raisonnable pour qu’il soit finançable tout en assurant une capacité de transport en adéquation avec sa stratégie : livraisons de 35 tonnes de matières premières deux fois par an.
Bien évidemment, il ne quittera pas la Bretagne à vide. Grain de Sail a prévu d’exporter différents produits français et régionaux vers les Etats-Unis et notamment vers New York. Sur le chemin du retour, le voilier passera par l’Amérique centrale et les Caraïbes pour y charger des cafés verts et du cacao. Un petit passage par les Açores pour y récupérer des épices et hop, retour à Morlaix pour décharger tout ça !
Interview de Jacques Barreau, Directeur Général de Grain de SailPouvez-vous nous décrire votre parcours et votre société ?
J’ai désormais 50 ans avec un parcours professionnel assez varié principalement orienté vers le pilotage de centre de profit, les énergies marines et plus récemment, le projet Grain de Sail. Mais je ne suis pas seul dans cette entreprise, nous sommes 3 associés, dont mon frère Olivier Barreau (actionnaire principal) et François Liron (2 fois champion de France à la voile).
Le projet Grain de Sail est né en 2010 avec une volonté de transformer des cafés et chocolats (point commun = torréfaction et origines géographiques) dont les matières premières seraient transportées à la voile. Dit comme ça, ça parait sympathique et faisable, mais c’est en réalité extrêmement compliqué. Nous avons du « digérer » la complexité en progressant par étape :
- 2013 : le café – c’est un produit plutôt facile à travailler. Avec de bons cafés verts et un bon torréfacteur, on fait du bon café … j’exagère à peine. Cette première étape nous a également permis de bien comprendre le fonctionnement de la GMS.
- 2015 : Le chocolat – ce produit est beaucoup plus compliqué que le café, mais nous avons tout de même réussi à lancer en 12 mois nos premières tablettes en rayon (le 11 juillet 2016 précisément). Nos tablettes sont BIO, transformées à Morlaix, avec un ESAT, labellisées « Produit en Bretagne » … et avec une marque (Grain de Sail) qui évoque déjà la 3ème étape (le voilier). A noter que nous avons souhaité dès le début sortir des tablettes de qualité « épicerie », tout en sachant que nos produits étaient destinés à la GMS. Nous souhaitions casser les codes marketing mais aussi proposer des produits vraiment exceptionnels. A noter, vous l’aurez compris que nous sommes bien entendu couverturier, ce qui nous permet une très bonne maitrise de la qualité.
- 2017 : Nous bouclons actuellement le budget voilier afin de lancer la construction en 2018 et l’exploitation du voilier en 2019.
Selon vous, quels sont les futurs acteurs de l’innovation alimentaire en France ?
Il me semble tout simplement que l’innovation qui permet de tirer la qualité des produits vers le haut tout en restant accessible financièrement est la meilleure manière de réussir.
L’innovation qui consiste à simplement faire varier des recettes et des packagings n’apporte finalement pas grand chose. Il faut vraiment apporter de la qualité perçue… notamment du goût et pas d’artifices. A titre d’exemple, nous nous interdisons d’intégrer des arômes (même naturels) dans nos chocolats. Enfin, nos tablettes sont toutes commercialisées avec un prix public conseillé sous les 3€ TTC (2.80€ maxi).
Dans le cas particulier de Grain de Sail, l’innovation réside également dans le couplage d’une activité agro-alimentaire à terre avec une activité de transport transatlantique décarboné, ce qui implique également de devenir importateur et exportateur.
Cette chaîne de valeur étendue reste difficile à maitriser, mais c’est ce qui fait toute la richesse du projet (perso, je n’aurais probablement pas pu monter un tel projet il y a 10 ou 15 ans… mes expériences passées m’ont fortement aider à aborder correctement cette difficulté globale).
Quels sont les facteurs clés de réussite d’une entreprise comme la vôtre ?
Nous fonctionnons un peu comme une start-up, ou une entreprise « agile ». En clair, nous avons des cycles de décisions très courts, une capacité à adapter voire modifier profondément notre stratégie à tout moment si nécessaire et surtout, une volonté de mener notre projet jusqu’au bout (mettre le voilier à l’eau … puis l’exploiter de Morlaix à New York, puis de l’Amérique centrale à Morlaix).
Nous assumons pleinement la complexité de notre projet global et sommes d’ailleurs persuadés que ça nous protège d’une concurrence trop forte.
Monter des sociétés sur la base de métiers trop accessibles permet en général de démarrer dans de bonnes conditions, mais génère souvent des lendemains difficiles car d’autres s’y mettent également… concurrence forte = marges réduites et trésorerie en berne.
Bref, notre réussite reste liée à l’accomplissement du projet global (café / chocolat / voilier) qui créera in fine une marque forte synonyme de produits de grande qualité et d’aventure maritime et humaine. Nous voudrions quasiment que les consommateurs vivent également notre aventure « par procuration » en dégustant nos produits. Du café et des chocolats excellents, mais pas que !
A titre personnel, quelle innovation alimentaire auriez-vous aimé inventer ?
Nous n’en sommes qu’au début de notre aventure : le chocolat offre une très grande liberté de création, les cafés un peu moins.
Mais les futures innovations consisteront surtout à poursuivre l’optimisation du couplage d’activité terre / mer pour progressivement redonner ses lettres de noblesse au transport maritime à la voile et plus généralement au transport maritime durable.
C’est un peu banale de dire ça, mais a-t-on vraiment le choix au regard des prévisions plutôt alarmistes relatives à notre bonne vieille terre ?
Plus d’informations sur www.graindesail.com